Quels fous rires, quel relativisme nous apporte la dernière production de Guillaume Nicloux !
Allier les deux personnages en marge que symbolisent Michel Houellebecq et Blanche Gardin dans le paysage médiatique français est une excellente idée, mais appuyer sur les préjugés et scandales qui les entourent et en jouer est plus que brillant.
Du fil de l’intrigue, l’invitation de Michel Houellebecq en Guadeloupe dans la présidence d’un concours de ses propres sosies, au choix des personnages principaux et dialogues de sourds, l’absurde règne dans le film. Et c’est justement par là qu’il déclenche plan sur plan le rire des spectateurs. Sur fond de dénonciation du passé colonial de la France et le rejet de ses responsabilités politiques et économiques vis-à-vis de ce passé occulté et ignoré, il s’agit pour le réalisateur de jouer sur le décalage des caractères de Houellebecq et de Gardin pour souligner la nonchalance des Français métropolitains dans leur confort et leur routine face à des citoyens qui demandent réparation.
En filigrane des retournements de situation rocambolesques et insensés, la figure controversée de l’auteur à Goncourt est également réhabilitée dans le sens où le film en montre l’absence de réel engagement, de volonté de nuisance ou d’opinion précise lors d’apparitions alcoolisées ou sous l’influence de drogues. La re-contextualisation des propos racistes et misogynes de l’auteur et sa confrontation directe avec Blanche montrent en effet l’absence de fondation de n’importe quelle conviction défendue dans ses livres et interviews. Tout apparaît clairement comme un concours de circonstances malencontreuses pour les deux artistes se trouvant au mauvais moment au mauvais endroit. De là à l’excuser de tous les propos racistes et sexistes tenus ces dernières années en live, je ne crois pas mais, il y a de quoi regagner la sympathie d’un public scandalisé par les dernières vagues médiatiques.
Quant à Blanche, elle réinvestit la figure de quarantenaire dépressive qu’elle met en scène dans ses spectacles et la décline sous le mode de l’expérience des psychédéliques mélangés au Ti’Punch des îles. Elle prend très rapidement la place de mère protectrice auprès d’un Michel totalement désinhibé par les champignons et perdu loin de son quotidien parisien.
Grande lectrice des romans cyniques de Houellebecq et fan des one woman shows de Blanche Gardin, je félicite réellement la production de ce film. Il nous permet, l’espace d’1h28, de relativiser dans la gravité de nos vies, de rire de notre ridicule et de notre manque certain de sens.